Communément dépeint comme une grande carcasse un peu rustre et empotée, Cheick Diabaté s’impose déjà comme un boulon inamovible du dispositif de Willy Sagnol. Ce samedi soir, dans l’antre bouillante de l’Allianz Riviera, il a encore été l’un des principaux artisans de la victoire girondine (1-3), signant même une prestation de rock-star (un but, une passe décisive et une expulsion). Suffisant pour éradiquer les jugements moqueurs ? (cp: levuvuzela.net)
Le métier d’attaquant a quelque chose d’ingrat. Voire même d’hypocrite. Alors que la première des fonctions attribuées à l’avant-centre consiste à loger la gonfle au fond des filets, l’opinion publique attend aussi de lui qu’il soit beau à voir jouer. Que les pions soient plantés à l’issue d’actions gracieuses et spectaculaires, de roulettes dans la surface ou de malabars en plein lulu. Pourtant, certains buteurs, bien que présumés limités balle au pied, démontrent quotidiennement leur utilité en se donnant jusqu’à l’épuisement, usant les défenses jusqu’à l’os. Cette race d’attaquant, constamment raillée, avait trouvé il y a quelques saisons son chef de file en Ligue 1 -Brandao – avant que celui-ci ne confonde la tête de Thiago Motta avec une pinata.
Quelque part, Cheikh Diabaté est aussi victime de son style. Enfin, de son physique surtout. Taquiné à propos de sa carrure de déménageur (1,94m), le Malien, parce qu’il n’est pas spécialement bandant à voir jouer, suscite encore un certain scepticisme chez les observateurs. Mais ça ne devrait pas durer.
Les Niçois ne peuvent plus le voir en peinture
Son premier but marqué à Montpellier (0-1) avait déjà donné raison à son cousin, Lassina Diabaté, lui même ancien milieu de terrain du club au scapulaire : » il a une morphologie spéciale pour un footballeur. Malgré son déséquilibre naturel dû à ses jambes plus longues que son tronc, il s’est adapté et est capable de gestes rares ». Contre les Héraultais, le molosse est à la réception d’un centre de Poundjé, et trompe Jourdren d’une reprise acrobatique du bout du pied. Pour un type présumé peintre avec ses pieds, le but est franchement pas dégueulasse.
Contre Nice, il n’a pas réalisé de gestes techniques flamboyants, mais a été chiant au possible. Chacune de ses apparitions dans la surface de l’OGCN asphyxiait Gomis et Genevois, considérablement gênés par son jeu dos au but et ses remises. C’est d’ailleurs lui qui, après une tentative de tir ratée, remet subtilement le cuir en retrait pour Maurice-Belay sur le deuxième but bordelais. Genevois, alors en retard sur Diabaté dans surface niçoise, force Grégoire Puel à venir à la rescousse, lequel laisse l’ancien Monégasque libre de tout marquage (47e). Un quart d’heure plus tôt, faisant face à des ultras niçois frénétiques, le natif de Bamako avait déjà trompé Hassen sur penalty et rendu la monnaie de sa pièce à Bossetti, lui même auteur d’un sublime extérieur du pied sur l’ouverture du score niçoise.
L’exemple Gignac
Si ses 88 kilos peuvent être un atout lorsqu’il s’agit d’aller au charbon, Diabaté laisse parfois l’impression de les traîner comme un boulet. A Nice, ce samedi soir, il est expulsé à 82e minute pour une intervention tardive et grossière sur Genevois, écopant d’un second carton jaune. Le premier, il l’avait obtenu à la 37e pour un pied haut sur Grégoire Puel, en direction duquel il avait balancé l’un de ses grands compas. Pour autant, l’attaquant de 26 ans est loin d’être un joueur méchant : il n’avait jamais vu rouge avant de se rendre à l’Allianz Riviera.
Mais Willy Sagnol ne lui en voudra pas. Pas après la prestation qu’il vient lui fournir. Tête baissée, Diabaté sortira sous les sifflets perçants des supporters niçois, trouvant le réconfort de coach après une petite tape amicale. Après 3 matches, le Malien sait qu’il a déjà gagné le respect du nouveau coach des Girondins, comme il avait préalablement gagné celle de l’ancien sélectionneur malien, Alain Giresse :
« Au Mali aussi, sa sélection posait problème, du fait de son allure et de son style peu académique. C’est toujours pareil : on fait des cadres, et quand on ne rentre pas dedans, ça gène. J’avais des joueurs avec un bagage technique moins élevé et des stats bien inférieures qui ne subissaient pas les même railleries. C’est pareil avec Peter Crouch ».
La comparaison n’est pas si foireuse. Le géant anglais (2,03m), souvent moqué pour sa démarche approximative et désarticulée, est lui capable de faire de belles choses avec ses grandes cannes maigrelettes. Toutefois, c’est dans la direction d’André-Pierre Gignac qu’il faut mirer. Car en voilà un, de type, qui possède un mental inaltérable. Déglingué au sujet de son poids depuis 2010 – son arrivée à l’OM – sur les réseaux sociaux, dans les médias, dans les pubs (cf Burger King), « APG » a enfin fini par gagner le respect des supporters et des observateurs. Un retournement de veste qui coïncide avec une régularité retrouvée dans les stats de l’attaquant français (16 buts l’an passé, et 3 buts en 3 matches cette saison), et la conscience que le type ne lâchera jamais.
Cheikh Diabaté sait désormais ce qu’il lui reste à faire. La reconnaissance et le respect sont au bout du chemin.
L’article Diabaté, le gros gourdin de Bordeaux a initialement été rédigé sur le blog Mister Eleven par Tristan Molineri.
